Gunjan Banerji,
The Wall Street Journal
NEW YORK (Agefi-Dow Jones)--Les grandes valeurs technologiques
accusent leur pire débâcle depuis plus de dix ans. Certains
investisseurs, hantés par l'éclatement de la bulle des dot.com en
2000, anticipent des pertes plus massives encore.
Le secteur des technologies de l'information du S&P 500
affichait mercredi une baisse de 20% depuis le début 2022, soit le
pire début d'année jamais enregistré depuis 2002. L'écart avec
l'indice élargi S&P 500, qui s'inscrit pour sa part en repli de
14%, est le plus important depuis 2004. Ces reculs ont incité les
investisseurs à retirer des fonds communs de placement et ETF
spécialisés dans le secteur technologique un montant record de 7,6
milliards de dollars entre janvier et avril, selon des données de
Morningstar Direct remontant à 1993.
Les titres des sociétés technologiques ont porté le marché
d'actions pendant des années, entraînant les grands indices à des
dizaines de niveaux records. L'enthousiasme des investisseurs a
stimulé tous les segments technologiques, de l'informatique
dématérialisée aux logiciels et aux réseaux sociaux. Plus
récemment, les mesures accommodantes de politique monétaire prises
par la Réserve fédérale au début de la pandémie de Covid-19 ont
suscité un appétit apparemment insatiable pour les paris
risqués.
Cette année, les investisseurs sont en revanche confrontés à un
environnement radicalement différent. Les rendements des emprunts
du Trésor ont atteint leur plus haut niveau depuis 2018 tandis que
les prix des obligations ont dégringolé. Bon nombre de tendances
qui avaient prospéré au cours des deux dernières années - notamment
les cryptomonnaies, les véhicules d'investissement cotés (Spac) et
les options haussières - se sont brutalement inversées. Seuls les
secteurs énergie et services aux collectivités du S&P 500 ont
gagné du terrain.
Certains investisseurs pensent que la décennie de domination de la
Tech sur les marchés touche à sa fin. Les investisseurs "value",
qui misent sur des valeurs décotées au regard de paramètres tels
que les résultats ou la valeur comptable, jubilent après le retour
en force, attendu depuis longtemps, de titres comme Exxon Mobil,
Coca-Cola et Altria Group.
L'indice S&P 500 Value bat l'indice S&P 500 Growth - qui
inclut des entreprises comme Tesla, Nvidia et Meta Platforms - de
17 points de pourcentage, ce qui représente l'écart le plus
important depuis 2000. Pendant ce temps, plus de 48 milliards de
dollars ont été retirés des fonds qui répliquent les valeurs de
croissance, selon le fournisseur de données EPFR, alors que les
investisseurs ont injecté plus de 13 milliards de dollars dans les
fonds qui répliquent les valeurs décotées.
"Changement de régime boursier"
"Nous assistons véritablement à une changement de régime boursier",
note Chris Covington, responsable des investissements d'AJO Vista.
"J'aurais du mal à croire qu'on puisse assister à l'extrême
surperformance des valeurs de croissance observée au cours des cinq
dernières années".
Pour bon nombre d'investisseurs, les paris contre la tech et les
turbulences observées sur le marché depuis un mois font écho à la
bulle des dot.com de 2000, lorsque la véritable folie dont
faisaient l'objet des entreprises qui ont ensuite fait faillite a
entraîné des pertes pour tous les investisseurs. Ensuite, la
vitesse des innovations technologiques conjuguée à la faiblesse des
taux d'intérêt a entraîné une ruée sur les valeurs Internet.
Lorsque la bulle a éclaté, le Nasdaq Composite a décroché de près
de 80% entre mars 2000 et octobre 2002.
Cette année, plusieurs valeurs technologiques ont accusé certaines
des plus fortes baisses de leur histoire, avec des centaines de
milliards de dollars de valorisation boursière partis en fumée -
parfois en l'espace de quelques heures. A la fin mai, l'action Snap
a dévissé de 43% en une seule séance, soit sa plus forte baisse en
pourcentage jamais accusée sur une séance, avec une perte de
valorisation boursière d'environ 16 milliards de dollars. Des
titres auparavant très prisés comme les fintechs Affirm Holdings et
Coinbase Global ont perdu plus de la moitié de leur valorisation en
2022.
Les plus grandes sociétés du secteur n'ont pas été épargnées. Les
titres des célèbres FAANG - Facebook (filiale de Meta Platforms),
Amazon.com, Apple, Netflix et Google (filiale d'Alphabet) - ont
tous accusé des reculs à deux chiffres cette année, plus marqués
que ceux du S&P 500.
Après un début d'année éprouvant, les spéculations vont bon train
sur le prochain secteur qui tombera en disgrâce.
"Lorsque les bulles éclatent, les titres ne se contentent
généralement pas de retomber au niveau de la juste valeur - ils
tendent à basculer dans l'extrême inverse", souligne Ben Inker,
co-responsable des allocations d'actifs de GMO à Boston.
Ben Inker, qui parie depuis plus d'un an contre les valeurs de
croissance présentant des valorisations accrues, note que la prime
supplémentaire avec laquelle s'échangent les valeurs de croissance
par rapport aux valeurs décotées ("value") est supérieure aux
niveaux historiques.
La Tech représente encore 27% du S&P 500
Même après le mouvement de vente, les valeurs technologiques
continuent de représenter 27% de l'indice S&P 500 - un niveau
quasi record - se maintenant autour des niveaux les plus élevés
depuis la bulle des dot.com, ont souligné le 27 mai les
stratégistes de Bank of America. La banque a prévenu qu'il était
trop tôt pour jouer le repli accusé par bon nombre de ces
titres.
Evidemment, certains investisseurs signalent d'importantes
différences entre la période actuelle et celle de l'éclatement de
la bulle Internet. Même si les valorisations des valeurs
technologiques ont grimpé en flèche ces dernières années, elles
restent loin des niveaux observés en mars 2000 lorsque les
multiples cours/bénéfices attendus du S&P 500 avaient atteint
26,2. A leur pic de septembre 2020, le ratio cours/bénéfices
attendus, basé sur les prévisions de bénéfices pour l'année
suivante, atteignait 24,08, selon FactSet.
De leur côté, les rendements des emprunts du Trésor ont progressé
ces derniers mois mais demeurent bien inférieurs à leurs niveaux
historiques. Aujourd'hui, le rendement de l'emprunt à 10 ans
s'établit autour de 3%. En 2000, il ressortait à environ 5%.
Evidemment, nous n'en sommes encore qu'au début du cycle de
relèvement des taux de la Fed. Les investisseurs s'attendent à ce
que la banque centrale continue à relever ses taux cette année.
Cela implique que les rendements des emprunts du Trésor vont sans
doute continuer à augmenter, ce qui pourrait accentuer les
pressions sur les valeurs technologiques et les autres valeurs de
croissance. La hausse des taux rend les futurs flux de trésorerie
des entreprises moins attrayants.
Si les taux continuent d'augmenter, "le marché d'actions va lui
aussi baisser sensiblement", note Ben Inker. "Tout dépend vraiment
du niveau jusqu'auquel les taux d'intérêt vont grimper".
Les inquiétudes concernant l'ampleur et la rapidité des relèvements
de taux de la Fed ont alimenté le débat sur une potentielle
récession, même si les récents indicateurs économiques n'en
laissent présager aucune à court terme.
Le secteur le plus 'shorté' du marché
De nombreux investisseurs parient contre les valeurs technologiques
ou débouclent des positions baissières. Sur les 11 secteurs du
S&P 500, celui de la technologie est parti pour accuser au
deuxième trimestre la plus forte baisse de positions de vente à
découvert, selon S3 Partners, même s'il reste le secteur le plus
'shorté' du marché. Les opérateurs continuent à parier massivement
contre Tesla, Apple, Microsoft et Amazon, qui comptent en
conséquence parmi les titres les plus visés par des positions
courtes, comme lors de chacune des deux dernières années.
Certains investisseurs et analystes ont pourtant toujours bon
espoir que l'hégémonie de la tech ne soit pas encore tout à fait
terminée.
Le rapport entre les options de vente et les options d'achat sur le
Technology Select Sector SPDR Fund, ou XLK, a nettement augmenté,
signe d'une stratégie à contre-courant qui laisse entendre que le
pire est sans doute passé pour le secteur, estime Jay Kaeppel,
analyste chez Sundial Capital Research.
"Nous avons pris conscience que les choses n'étaient pas si
simples", explique David Eiswert, gérant de portefeuille chez
T.Rowe Price. "Vous ne pouvez pas vous contenter d'acheter
simplement un panier de valeurs technologiques. Il faut les
différencier". Il précise que, d'après lui, certains valeurs
technologiques, comme Amazon, semblent attrayantes après les
récents replis et note qu'il pourrait augmenter son exposition au
groupe.
-Gunjan Banerji, The Wall Street Journal
(Version française Emilie Palvadeau) ed: ECH
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(END) Dow Jones Newswires
June 10, 2022 04:28 ET (08:28 GMT)
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