Le marché hait les conglomérats mais n'aimera pas forcément le nouveau GE - Plus USA
November 10 2021 - 6:43AM
Bourse Web Dow Jones (French)
Jon Sindreu,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--La branche aviation de General Electric
est maintenant prête à voler de ses propres ailes. Elle risque
toutefois de se heurter à des turbulences plus graves que ne
voudraient bien le penser les investisseurs friands de
simplicité.
Le conglomérat américain a annoncé mardi sa scission en trois
sociétés distinctes, point final d'un processus qui l'a conduit à
se défaire, au fil des années, de diverses lignes d'activités comme
les services financiers, les locomotives et les appareils
électriques. General Electric conservera sa division de moteurs
d'avions, qui a représenté l'an dernier un tiers de son chiffre
d'affaires, et scindera ses branches santé et électricité.
L'action a gagné 2,7% mardi. Avec une rentabilité de la branche
aviation sensiblement affaiblie par la pandémie et des résultats en
demi-teinte pour les autres branches, même avant la crise, il était
logique que le patron du groupe, Larry Culp, tente de dégager de la
valeur supplémentaire sur un marché donnant sa préférence aux
entreprises centrées sur une activité stratégique. La scission de
la division santé, en particulier, était évidente.
La séparation des activités électricité et aéronautique est en
revanche plus discutable.
Recoupements en matière de R&D
Il existe une raison pour laquelle GE et son concurrent britannique
Rolls-Royce ont traditionnellement regroupé leurs activités de
moteurs d'avions et d'équipements de production électrique : les
recoupements en matière de recherche et développement. Les turbines
constituent l'exemple le plus évident, puisqu'elles sont utilisées
à la fois pour la production d'électricité et la propulsion
aéronautique. En théorie, il est plus avantageux de les tester dans
la division électricité, où les cycles d'investissement sont plus
courts, avant de les déployer sur un marché adjacent comme
l'aviation. Il existe peut-être, pour le développement des futurs
aéronefs électriques, des recoupements similaires entre les
technologies de batterie et de mini-réseaux.
GE affirme que les budgets recherche des deux activités sont
maintenant distincts. Le fait est que les synergies n'ont jamais
réellement été à la hauteur des attentes, peut-être parce que les
turbines à gaz et les moteurs d'avions doivent répondre à des
normes très différentes en matière de sécurité et ne visent pas non
plus la même clientèle. Les investissements nécessaires pour
adapter les turbines utilisées pour la production d'électricité aux
applications aérospatiales se sont souvent révélés bien plus élevés
que prévu. C'est la raison qui a poussé Rolls Royce à vendre ses
turbines Industrial Trent 60 à Siemens en 2014.
Un secteur particulièrement exposé aux récessions
Il existe un autre problème : comme l'a montré la crise de
Covid-19, les fabricants de moteurs d'avions sont plus exposés que
la plupart des entreprises aux récessions, parce qu'ils tendent à
vendre leurs produits à perte puis à compenser cette perte dans les
années suivantes par des opérations de réparations, maintenance et
révisions sur le marché des pièces détachées. Traditionnellement,
GE Aviation était financé par les autres branches du conglomérat
lorsque les compagnies aériennes réduisaient leurs achats. Il en va
de même chez Rolls-Royce, qui accentue actuellement sa
diversification.
Le groupe britannique est évidemment bien plus petit et s'est
spécialisé - ce qui s'est révélé problématique en temps de pandémie
- dans les gros avions. Toujours est-il que ce paramètre rouvre la
question de savoir si la vente, plus tôt cette année, de l'activité
de financement et location d'avions de GE était une bonne idée,
étant donné qu'elle permettait de lisser les cycles.
Le marché s'attend toutefois à ce que les revenus du marché des
pièces de rechange pour les moteurs d'avions continuent d'augmenter
fortement, ce qui permettrait à GE Aviation de voler sereinement de
ses propres ailes, au moins pour le moment. Les investisseurs ont
par ailleurs développé une obsession pour les grands projets
novateurs, or chaque société essaimée de GE en aura une à vendre.
L'activité de production d'électricité mettra l'accent sur l'éolien
offshore et la modification des grandes turbines à gaz pour
convertir l'hydrogène, et GE Aviation se concentrera sans doute sur
des projets comme l'architecture non carénée, ou moteurs open fan,
qu'elle développe actuellement avec Safran.
La prochaine crise sera néanmoins inévitable. Pour s'en protéger,
le groupe GE nouvelle mouture pourrait finalement préférer remettre
un peu de complexité dans l'équation et acquérir une société de
défense présentant une plus grande stabilité en termes de
trésorerie, un peu comme Pratt & Whitney avec Raytheon
Technologies.
Même sur un marché qui boude les conglomérats, un motoriste
indépendant pourrait se trouver exposé à des turbulences trop
fortes pour bon nombre d'investisseurs.
-Jon Sindreu, The Wall Street Journal
(Version française Emilie Palvadeau) ed : ECH
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November 10, 2021 06:23 ET (11:23 GMT)
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