Trefor Moss,
The Wall Street Journal
LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Gucci à Columbus, dans l'Ohio, Chanel à
Troy, dans le Michigan, Hermès à Naples, en Floride. Bienvenue dans
les nouvelles frontières du luxe. Après des années consacrées
principalement à l'expansion en Chine, les marques du secteur
redécouvrent les Etats-Unis, ouvrant des boutiques dans des villes
où elles n'avaient jamais mis les pieds auparavant.
Autrefois concentrée dans une poignée de grandes villes, la
richesse s'est étendue à de nouvelles régions des Etats-Unis ces
dernières années. Des villes comme Atlanta et Austin, au Texas,
sont devenues de nouveaux haut lieux de la "tech". Le développement
de ces nouvelles poches de richesse influence la stratégie des
marques de luxe, qui n'hésitent pas à s'aventurer loin de leurs
bases traditionnelles que sont New York et la Californie.
Kering a indiqué qu'il entendait tirer parti de la croissance
rapide de la demande américaine en ouvrant plus de 30 nouveaux
magasins dans le pays au cours des deux prochaines années,
notamment des boutiques Gucci à la Nouvelle-Orléans et à Saint
Louis, et un magasin Yves Saint Laurent à Détroit.
"Ces villes ont changé structurellement, ce n'est pas seulement un
effet de mode", a déclaré François-Henri Pinault, le
président-directeur général du groupe, à des journalistes au début
de l'année.
LVMH poursuit une stratégie similaire, avec des ouvertures prévues
prochainement pour Givenchy à Atlanta et Philadelphie. La marque
phare du groupe, Louis Vuitton, qui dispose déjà d'un maillage plus
important aux Etats-Unis que nombre de ses rivaux, lance de
nouveaux types de magasins, notamment une première boutique dédiée
aux hommes en Californie en juillet.
Hermès prévoit l'ouverture d'un magasin à Naples, en Floride, dans
le courant de l'année, après avoir récemment ouvert une boutique à
Austin, au Texas. Austin est devenue un pôle d'attraction pour les
marques de luxe, attirées par les hauts revenus des salariés de
sociétés telles que Oracle et Tesla, qui y ont récemment construit
des bureaux et des usines.
Rééquilibrage du marché mondial du luxe
La politique "zéro Covid" de la Chine n'a fait que renforcer
l'appétit de ces groupes pour de nouveaux investissements aux
Etats-Unis. Alors que les ventes mondiales de produits de luxe ont
continué leur progression depuis le début de l'année, la Chine est
restée à la traîne des autres marchés, pénalisée par des
restrictions sanitaires strictes à Shanghai et dans d'autres
grandes villes - restrictions que les chefs d'entreprises disent
craindre de voir se répéter.
Depuis 2019, les grands groupes de luxe ont dégagé une croissance
nettement plus importante aux Etats-Unis que dans les autres
régions du monde. Par exemple, les ventes de Kering en Amérique du
Nord ont à peu près doublé au premier semestre 2022 par rapport à
la même période de 2019, tandis que ses ventes en Asie et en Europe
ont augmenté de 21% et 14% respectivement. Les chiffres de LVMH et
Prada montrent une tendance similaire.
La croissance en Chine a été la priorité pendant si longtemps que
les marques de luxe ont été lentes à repérer les nouvelles
opportunités qui émergeaient aux Etats-Unis, indique Erwan
Rambourg, responsable de la recherche sur la consommation et la
distribution chez HSBC.
"Le luxe était très corrélé à la consommation chinoise. Maintenant,
c'est beaucoup plus équilibré, avec des consommateurs américains au
premier plan", souligne l'analyste.
Selon lui, l'épreuve de la pandémie a libéré les consommateurs
américains aisés qui auraient pu auparavant se sentir coupables de
dépenser d'importantes sommes en articles de luxe. Les marques de
luxe ont également réussi à séduire une nouvelle frange de jeunes
consommateurs américains grâce à leurs campagnes marketing, comme
celle de Tiffany avec Beyoncé et Jay-Z.
Une course à la taille plus coûteuse aux Etats-Unis
Les dépenses liées à l'ouverture d'un nouveau magasin restent
cependant plus élevées aux Etats-Unis qu'en Europe ou en Asie, en
raison notamment de coûts de construction relativement importants.
Trouver du personnel est un autre défi, alors que de nombreuses
entreprises américaines ont du mal à recruter.
La concurrence pour le personnel expérimenté est intense, car de
nombreuses marques de luxe se développent en même temps aux
Etats-Unis, ce qui oblige les entreprises à offrir une rémunération
lucrative aux candidats, gonflant encore le coût des programmes
d'ouverture de magasins aux Etats-Unis, souligne Isabelle Guichot,
directrice générale de SMCP, qui possède notamment les marques de
prêt-à-porter Sandro et Maje.
Mais le jeu en vaut la chandelle. La dirigeante souligne la
"croissance remarquable" des dépenses de luxe dans ce pays, faisant
des Etats-Unis le "point clé pour l'année prochaine".
Prada de son côté affirme faire "d'énormes investissements pour
moderniser ses magasins américains actuels et étudier les
opportunités dans de nouvelles villes", alors que ses ventes dans
le pays sont en forte hausse.
En poursuivant d'ambitieux programmes d'expansion aux Etats-Unis,
les marques de luxe ignorent les avertissements des distributeurs
traditionnels, qui craignent de voir les ménages réduire leurs
dépenses face à une inflation galopante. Les consommateurs aisés
sont relativement épargnés par ces problèmes et sont moins
susceptibles de modifier leurs habitudes de consommation, affirment
les dirigeants du secteur.
-Trefor Moss, The Wall Street Journal
(Version française François Schott) ed: VLV
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August 08, 2022 05:08 ET (09:08 GMT)
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